À quelques jours du référendum constitutionnel prévu le 16 novembre 2024, le Parti Démocratique Gabonais (PDG), ancien parti au pouvoir, se trouve au cœur d’une campagne de mobilisation en faveur du « oui ». Mais dans un contexte politique et social bouleversé depuis le coup d’État du 30 août 2023, la question se pose : le PDG est-il vraiment le porte-voix légitime pour cette réforme constitutionnelle, ou bien représente-t-il un symbole du passé rejeté par une grande partie de la population ?
Un parti en transition : Le PDG, acteur ou spectateur ?
Lors d’une communication le 8 novembre, Angélique Ngoma, Secrétaire générale du PDG, a lancé un appel vibrant à la mobilisation de ses militants pour défendre la nouvelle constitution. Selon elle, ce texte incarne les aspirations profondes du peuple gabonais et permettrait de renforcer la démocratie en introduisant des réformes telles que la limitation des mandats présidentiels, la séparation des pouvoirs et une meilleure responsabilisation des autorités publiques. Mais la question persiste : est-ce vraiment cette formation politique, au passé entaché par des décennies de pouvoir autoritaire, qui est en mesure de porter un message d’espoir et de changement pour les Gabonais ?
Depuis le coup d’État militaire qui a renversé le régime d’Ali Bongo, le PDG, qui a dirigé le pays pendant près de 50 ans, est largement perçu par une grande partie de la population comme le symbole de l’ancien régime, celui de l’injustice, des inégalités et de la maltraitance. Ce rejet, alimenté par des décennies de frustration politique et de violences sociales sous le régime Bongo, a conduit de nombreux Gabonais à se tourner vers d’autres forces politiques et des leaders extérieurs au cercle du pouvoir traditionnel.
Le rejet populaire : Une campagne difficile à mener
La campagne en faveur du « oui » du PDG doit composer avec ce lourd héritage. En dépit des réformes proposées dans la nouvelle constitution, qui ont été saluées par certains observateurs comme un progrès en matière de démocratie, la méfiance vis-à-vis du PDG reste tangible. Les Gabonais, notamment ceux des milieux populaires et des régions rurales, gardent en mémoire les violences et abus qu’ils ont subis sous le règne des Bongo. Dans un pays où l’on a longtemps assisté à un système de gouvernance autoritaire et à la marginalisation de certaines populations, la transition démocratique semble être une promesse fragile.
Angélique Ngoma, en appelant à une campagne de « proximité » active, cherche à redorer l’image du PDG, mais les scepticismes demeurent. L’ancienne machine électorale du parti, avec ses lourdes attaches aux anciens réseaux de pouvoir, peine à convaincre les plus jeunes générations, qui n’ont connu que l’héritage Bongo. L’idée d’un « retour à l’ordre constitutionnel » dans le cadre d’un processus mené par ce même parti semble en contradiction avec les revendications populaires pour une véritable rupture avec les pratiques du passé.
Le PDG et le dilemme de la transition politique
Le référendum du 16 novembre est censé marquer un tournant dans la transition politique du Gabon. Mais au lieu de renforcer le pouvoir du PDG comme acteur clé de ce renouveau, la question qui se pose est celle de la légitimité de ce parti à porter un tel message. Si la nouvelle constitution présente des avancées démocratiques, comme le renforcement de la société civile et des garanties contre les dérives autoritaires, ces réformes sont-elles suffisamment significatives pour faire oublier les années de gouvernance Bongo et redonner au PDG la confiance de la population ?
Depuis le coup d’État, les Gabonais ont vu l’installation du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) et l’arrivée à la tête de l’État du général Brice Clotaire Oligui Nguema. Ce dernier, perçu par certains comme un symbole de rupture avec l’ancien régime, a réussi à s’imposer comme l’acteur principal du processus de transition. En revanche, le PDG, à travers ses appels au « oui », semble être une voix discordante dans ce processus, entretenant des tensions entre continuité et changement.
Le défi de la crédibilité
Le PDG, en appelant à un « oui » massif, mise sur la légitimité de la nouvelle constitution pour redorer son image. Mais sa crédibilité sera-t-elle suffisante pour convaincre une population fatiguée et méfiante ? Les Gabonais sont-ils prêts à croire que la révision constitutionnelle, portée par un parti historiquement associé à un système autoritaire, peut vraiment incarner un changement profond ?
La question centrale reste celle de la confiance. Si la nouvelle constitution semble contenir des réformes intéressantes, comme la limitation des mandats présidentiels et la séparation des pouvoirs, qui peuvent répondre aux attentes d’une population en quête de démocratie, son adoption par le PDG, l’ancien parti au pouvoir, pourrait fragiliser son message. En effet, l’enjeu est double : il ne s’agit pas seulement de défendre un texte constitutionnel, mais aussi de convaincre que la transition politique ne sera pas simplement une reconduction des anciens rapports de pouvoir.
Conclusion : Vers un « oui » contesté ?
Le 16 novembre, le peuple gabonais sera appelé à faire un choix déterminant. Le « oui » au référendum pourrait marquer une avancée démocratique pour le Gabon, mais il risque aussi de renforcer les fractures sociales et politiques si la population perçoit ce processus comme une manœuvre du PDG pour reconquérir son emprise sur le pays.
Dans ce contexte, l’ancienne machine électorale du PDG pourrait bien se heurter à la réalité d’un peuple plus divisé et plus attentif aux symboles de rupture que celui des promesses de continuité. Pour le PDG, la tâche est ardue : convaincre que le changement qu’il propose est authentique, et qu’il n’est pas simplement une tentative de maintenir un pouvoir que le peuple gabonais a rejeté.